Ahmadoun Amion Guindo SG de la CSTM: « La France ne veut pas lâcher Kidal… »
Le Secrétaire Général de la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM), Hamadoun Amion Guindo, livre ici ses impressions sur la tenue du Sommet Afrique-France que Bamako a abrité et les relations diplomatiques entre la France et le Mali en rapport avec la crise que notre pays connaît depuis 2012.
Comme à l’accoutumée, le leader syndicaliste qui n’a pas sa langue dans sa poche, accuse la France d’être à la manœuvre et de ce depuis les années 1980.
L’Enquêteur : Quelle analyse faites-vous du 27ème Sommet Afrique-France que le Mali vient d’abriter ?
Hamadoun Amion Guindo : La françafrique, ce n’est pas de cela qu’aujourd’hui les Africains ont besoin. Les Africains souhaitent qu’on s’attaque réellement aux vrais problèmes. Aujourd’hui, le développement, qui ne peut se régler sans le retour effectif de la paix et de la sécurité, est notre première préoccupation. Pas des accolades. Je pense que tout ça c’est un peu ancestral. Il va falloir dépasser cela et que davantage nous prenions conscience que le développement de ce pays est une affaire des Africains eux-mêmes d’abord. Il faut que nous réfléchissions à cela. Il faut que nous en soyons convaincus, et que nous posions des actes par rapport à cette ambition que nous avons. Ce n’est pas la France qui va ramener ni la sécurité, ni la paix encore moins le développement pour les pays africains.
Pensez-vous que la forte représentation du MEDEF lors du sommet permettra à la France de se repositionner économiquement en Afrique ?
Une représentation, aussi forte qu’elle soit du MEDEF lors de ce Sommet, n’est pas pour aider les Africains, mais c’est pour consolider et voir comment promouvoir davantage les intérêts français en Afrique. Le MEDEF ne vient pas pour développer l’Afrique, le MEDEF ne vient pas en Afrique pour défendre les intérêts des Africains. Non, le MEDEF vient parce que la France a besoin d’autres ressources pour se développer et qui ne peut se faire sans l’accompagnement du MEDEF.
Le MEDEF ne vient pas s’enquérir des problèmes sécuritaires que connaît le Mali ou l’Afrique mais pour tâter le pouls, mais c’est pour encore une fois développer les entreprises françaises et défendre les intérêts français ; pas pour l’Afrique encore moins le Mali.
Que pensez-vous de la position globale de la France sur la crise malienne ?
En 2011, la France a préparé un coup, en tuant Kadhafi et en envoyant des bandits nous envahir. Depuis 1956, la France a cette prétention d’occuper le nord du Mali, une partie de la Mauritanie et du Niger. L’Organisation commune des régions du Sahel (OCRS) date de 1957. Economiquement, on n’a pas de répondant parce qu’on s’est beaucoup endettés et on ne peut rien. Militairement, on a été affaiblis. Il n’y a plus d’armée. Donc on fait venir un groupe armé qu’on affuble du qualificatif de rebelles, qui saccagent tout. Pour les contenir, on fait venir la même France qui court après nous, à notre secours. Alors que c’est la France qui a financé et manigancé tout ça. En tant que Maliens, nous sortons pour applaudir. Si les jihadistes d’Ançar dine, du Mujao ne s’étaient pas mêlés de cette affaire du nord, la France ne serait jamais venue. Par ce que le MNLA, jusqu’à demain continue d’avoir son siège, sa représentation à Paris, entretenu par les Français. C’est par ce que Ançar dine et Mujao, qui ne sont pas pour le partage du pays, qui sont d’obédience islamique, sont venus pour dépasser la ligne rouge que la France considérait. Le MNLA n’allait pas dépasser Goundam, mais avec les jihadistes, ils sont venus pour prendre Douentza, ils allaient progresser jusqu’à Bamako.
La France est venue pour sauvegarder ses intérêts ; pour que ces islamistes ne s’éparpillent pas dans d’autres régions, d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Burkina et le Sénégal, là où elle à d’autres intérêts. Elle n’est pas venue pour soutenir le Mali, elle est venue pour soutenir ses intérêts en disant au MNLA : « arrêtez-vous ici ». La France est venue pour combattre le Mujao et Ançar Dine mais pas le MNLA ; arrivé aux portes de Kidal avec l’armée malienne, on leur dit : « non, ne rentrez plus » parce que le Mujao et Ançar Dine n’est pas à Kidal, on crée un sanctuaire. Soi-disant si on rentre ici on risque de tuer beaucoup de personnes. La France ne veut pas lâcher Kidal car si nous sommes libres, nous occupons tout le territoire et nous devenons un peu souverain mais tant que la France tient la sécurité au niveau de Kidal, la France crée des conditions pour qu’on ait toujours besoin d’elle. La France a amené la MUNISMA, pour dire ne tirer pas sur les gens, ne faites pas l’intermédiation, vous êtes là pour assurer nos intérêts, c’est pourquoi la France ne veut pas partir.
Les Maliens ne comprennent pas que tant que Barkhane et la MUNISMA resteront au Mali nous ne serons jamais Maliens. Quand la France est entrée ici en 2013, nous avons écrit pour remercier le syndicat français mais nous leur avons dit que nous doutons de l’intervention française au Mali. Le MNLA est une sorte de pion de la France à partir de quoi la France peut toujours maintenir le Mali, faire chanter le Mali. Le terrain était préparé depuis les années 1980. Pour cela, ils ont économiquement détruit notre pays et sur le plan sécuritaire on détruit l’armée malienne.
Réalisé par Mamadou NIMAGA